samedi 18 février 2012

MOHAMMED V ou la monarchie populaire

A l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Mohammed V, dernier sultan et premier roi du Maroc moderne, notre ami Charles Saint-Prot, qui enseigne l’islamologie et la géopolitique dans plusieurs universités en France et à l’étranger et a déjà publié de très nombreux ouvrages sur ces questions, a sorti, à la fin de 2011, un livre aussi dense qu’agréable à découvrir — d’autant que l’auteur a eu la bonne idée d’y adjoindre un glossaire des termes arabes incontournables —, sur un sujet qui ne peut que nous aller doublement au cœur. Tout d’abord l’histoire a tissé entre la France et le Maroc des liens étroits. Ensuite  le Maroc, comme la France et contrairement à l’ Algérie, créée de toutes pièces par la présence française, est une vieille nation. Or, « parmi les rois qui, en douze siècles, ont fait le Maroc, Mohammed V occupe une place de choix ; il est à la fois un roi restaurateur et un roi fondateur ». Car c’est aussi une leçon de politique, à maints égards maurrassienne et bainvillienne, que Charles Saint-Prot livre à ses lecteurs. « Les rois qui, en douze siècles ont fait le Maroc » : une formule qui en rappelle une autre...

Afin de resituer l’œuvre de restauration nationale de Mohammed V dans son contexte, Charles Saint-Prot restitue brièvement, en allant à l’essentiel, toute l’histoire du pays à travers celle de ses dynasties. La chance du pays fut, à l’heure de l’indépendance, d’avoir en Mohammed V une personnalité suffisamment ancrée dans la tradition nationale et réformatrice pour, tel un nouvel Henri IV, savoir fédérer et réconcilier les Marocains — « ce peuple et le roi s’identifièrent au point de ne faire qu’un » —, par-delà des divisions,  notamment tribales, parfois exacerbées par la présence française. Une présence dont l’auteur dresse un bilan lucide, éloigné de tout manichéisme, regrettant le triomphe, avec le Cartel des Gauches, de la logique républicaine du colonialisme sur la lettre et l’esprit du protectorat que le monarchiste Lyautey respectait scrupuleusement.
Mohammed V, loyal envers notre pays durant la Seconde guerre mondiale, sut ne pas faire l’indépendance contre la France, même si, en cette période de “décolonisation” propice au rêve d’une introuvable nation arabe, fondée sur l’islam, il soutint les rebelles algériens, soutien dont son fils, Hassan II, fut fort mal récompensé — l’ Algérie “nouvelle” ne partageant manifestement pas le même rêve.
Certes, l’empathie de Charles Saint-Prot avec son sujet est évident, ce qui le conduit peut-être à une vision que d’aucuns jugeront très positive de l’islam. Mais à l’heure où Mohammed VI vient de doter son pays d’une nouvelle constitution “maroco-marocaine” qui, tout en faisant sa part à la modernité, laisse au Roi un véritable rôle dans la conduite des affaires, conservons avant tout à l’esprit la leçon politique que le petit-fils sut retenir de son grand-père, lequel « entendait jouer pleinement son rôle et pour cela [...] s’appuyait sur le peuple, le pays réel ».
« Assurément, c’est cette monarchie populaire et réformiste qui sera, demain encore, la meilleure assurance de la stabilité et du progrès de cette nation millénaire », conclut l’auteur.... Toutes choses étant égales par ailleurs, l’axiome vaut pour la France. Car ce livre doit se lire avant tout comme un bel hommage à la monarchie et à son actualité.
Axel Tisserand
Charles Saint-Prot, Mohammed V ou la monarchie populaire - Editions du Rocher, 2011, 

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